Le réemploi, c’est aussi dans les espaces extérieurs !

• Vous êtes architecte paysagiste et l’un des pionniers régionaux, voire nationaux, qui intègre des matériaux de réemploi dans la conception des espaces extérieurs. Comment êtes-vous venu à intégrer cette pratique et quelles sont vos motivations ?  

Mon ambition personnelle et professionnelle est d'accompagner mes clients, qu'ils soient privés ou publics, à changer leur regard sur les jardins. Je les aide à transformer leurs lieux de vie en espaces vivants. C’est à l’occasion d’un changement de cadre de vie personnel et professionnel, en m’installant en Saône-et-Loire, que j’ai découvert le réemploi de matériaux dans le domaine du bâtiment. Curieux de nature, j'avais tenté une première expérience de réemploi en 2020 auprès d'un client particulier, qui ne m'avait alors pas suivi. C'est pourtant cette démarche qui fondera la réinstallation de mon activité en Saône-et-Loire en 2022. De plus, cette pratique est en phase avec mes convictions personnelles et permet d’allier le beau avec le bien !

• Vous étiez finaliste du concours le « Carré des Jardiniers », qui a eu lieu à Lyon fin 2023. Dans ce contexte, vous avez proposé un projet de solution de végétalisation de quartier, qui intégrait très largement des matériaux de réemploi. Pourriez-vous développer les matériaux réemployés, ou plutôt réutilisés, puisqu’il s’agit surtout d’un détournement d’usage ?

 Avec mon partenaire CHEVAL Paysages, nous avions une vraie volonté de proposer une vision positive, rassurante et désirable de la ville de demain. Le recours aux matériaux réutilisés permet de travailler l’existant, fabriquer la ville avec ce qui la compose déjà en partie. Dans ce projet, nous avons mis en œuvre cinq matériaux différents issus du réemploi : des bordures de béton, de la croute d’enrobé, des dalles gravillonnées, des chutes de production de bois (assemblées pour faire les poutres lamellées collées de la structure bois) et des lames de tonneaux en chêne. Seuls les bordures de béton ont conservé leur usage d’origine en tant que bordures. La croute d’enrobée a été mise en œuvre à plat, en tant que pavé, et à la verticale, en tant que bordures. Des lames de tonneaux en chêne ont été détournées en barrières. Et pour finir, des dalles gravillonnées ont été sciées en tranches de 4 cm et mise en œuvre sur la tranche en tant que pavage. J’aime me laisser inspirer par les ressources disponibles !

• Vous êtes lauréat d’un appel à projets qui vise à caractériser l’utilisation des dalles gravillonnées dans cet usage détourné. De quoi s’agit-il ?

Les dalles gravillonnées, c’est un matériau passé de mode et le gisement est très important. C’est dans le cadre d’un appel à projets d’Ecominéro, qui vise à structurer les filières de réemploi, que je réalise une étude de faisabilité en vue d'industrialiser le pavage en dalles gravillonnées sciées. A l’origine, ces dalles sont conçues et testées pour une mise en œuvre à plat, et dans l’utilisation détournée, on les met en œuvre à la verticale. Cette étude est conduite en 3 phases. La première, qui devrait débuter prochainement, permettra de définir la largeur optimale des pavés pour permettre une utilisation pour des espaces piétonniers. La deuxième permettrait de déterminer l’épaisseur et les conditions de pose et la troisième serait un chantier test. Pour l’instant, l’enveloppe de l’appel à projets ne permet pas de financer l'ensemble des coûts pour la phase 1 ainsi que l'étude de marché, je suis donc à la recherche de budget supplémentaire pour poursuive.

• En conclusion, que pouvez-vous dire pour inciter d’autres porteurs de projets paysager pour y intégrer des matériaux de réemploi ?

La création des espaces extérieurs se prêtent bien au réemploi des matériaux. Nos espaces sont peu normalisés. Nous disposons donc d’une plus grande liberté pour tester, expérimenter, détourner des matériaux, souvent issus du bâtiment. La réutilisation ou l’upcycling sont, avant tout, des démarches créatives, qui donne du sens à la profession. Nous travaillons de la matière vers la forme et non plus l’inverse !